Marines et ports méditerranéens – Peintures des XVIII°, XIX° et XX° siècles

Allegre, Ambrogiani, Barry, Bernard, Camoin, Casile, Cauvin, Chabaud, Courdouan, Garibaldi, Henry d’Arles, Lacroix de Marseille, Leprin, Lhote, Lombard, Loubon, Manguin, Marquet, Mayer, Olive, Peske, Ponson, Prieur Bardin, Seyssaud, Valtat, Verdilhan, Ziem font partie des 72 artistes représentés.

La mer a de tout temps inspiré les artistes. Poètes, écrivains, peintres, musiciens, photographes donnent une représentation poétique, réaliste ou imaginaire selon leur tempérament et leur époque. La peinture de marine embrasse le paysage maritime, les vues de ports, les tempêtes, les naufrages, les embarcations mais aussi les scènes de genre liées à la vie du bord de mer. Documentaire au XVIIème siècle sous l’influence des Pays-Bas, elle devient au XVIIIème siècle « support d’émotion et de plaisir » et décrit la mer sous tous ses aspects, des plus sereins aux plus tragiques. Au milieu du XIXème, elle glisse, peu à peu, de la peinture d’histoire ou de reportage dramatique, vers le paysage naturaliste maritime. Les védutes témoignent de la mer devenue calme et poétique sur les rivages, les criques et les baies méditerranéens, elles révèlent la maitrise de l’artiste sur le motif. Au XXème siècle, la mer n’est qu’une explosion de couleur et de matière. Elle devient la marque d’une expression qui montre la rupture avec la tradition et ouvre les portes de la modernité.

Le peintre voyageur, intime avec la mer et sa fusion avec le ciel et la terre, fut longtemps un informateur naturel pour couvrir l’actualité d’un territoire et fixer, comme disait Baudelaire, « des états de l’atmosphère selon le lieu, l’heure et le vent ». Les voyages d’exploration, qui démarrent vers 1770, furent l’âge d’or de ces artistes témoins sensibles, créateurs de paysages réalistes, d’où se dégagent la poésie de la mer et le mystère des départs pour des déplacements hors du temps. Leurs ballades dans certains recoins de la méditerranée ou en Provence confirment leur dimension artistique propre et révèlent un témoignage socioculturel et patrimonial des lieux et peuples qu’ils ont rencontrés. Pour les romantiques, la mer est l’élément terrifiant que l’homme affronte dangereusement. Pour les impressionnistes, le phénomène météorologique – lever de soleil, montée d’un orage, rouleaux de brumes envahissant le ciel – les captivent davantage. D’autres trouveront dans le spectacle de la mer le prétexte d’innombrables variations sur le thème de l’eau, ou encore préféreront représenter l’animation des ports, le papillotement des voiles sur l’eau ou celui des silhouettes ou la détente sur la plage.

La peinture de port qui se développe au XVIIème siècle et s’épanouit au XVIIIème et au XIXème siècle, intègre la peinture de paysage à la peinture d’histoire de façon plus pittoresque que réaliste le plus souvent. 
Nombreux sont les tableaux de port dont les compositions sont imaginaires, représentant un fort, une tour ou une échauguette, comme le paysage imaginaire à la tour de Dominique-Joseph Van Der Burch ou les pêcheurs à l’entrée du port de Philippe Rey. Ces œuvres répondent d’une part aux besoins intemporels de l’imaginaire, dont Baudelaire rappelle dans « L’invitation au voyage » la nature rêverie sur le départ, le voyage, l’aventure, l’inconnu, la destinée humaine confrontée à la démesure du monde, d’autre part à l’espérance historique de l’homme d’assurer sa prospérité par son activité et son énergie. 
Au XVIIIème siècle, la peinture de marines devient le fait de quelques spécialistes tels Jean Joseph Kapeller, Lacroix de Marseille et surtout Joseph Vernet, qui est nommé “peintre de la Marine du Roi” et chargé de réaliser la série des Ports de France. Son talent lui vaut des éloges exaltés de Diderot : ” Quelles eaux ! Quels ciels ! Quelle vérité ! Quelle magie ! Quel effet ! ” D’autres tableaux pittoresques méditerranéens, parfois joyeux comme les joutes et fête sur l’eau de Charles Eschard, souvent animés de l’activité humaine, comme retour de pêche au soir de Jean 
Henry d’Arles, se situent sur les bords non encore aménagés d’une baie. 
Sur les rives sableuses ou rocheuses, auxquelles sont amarrés des barques, s’activent des pêcheurs, transportant des produits de leur pêche, voire cuisinant sur un feu de fortune.

À ces personnages laborieux se mêlent des oisifs, pêcheurs à la ligne, bourgeois en promenade accompagnés de jolies femmes, fumeurs de pipe méditatifs, et parfois, personnages exotiques, turcs de fantaisie caractérisés par leur caftan et leur turban, symboles des relations avec l’Orient mirifique, comme les pêcheurs et marchands turcs de Dominique-Joseph Van Der Burch.

Dans les spectacles de tempête, le déchainement des flots, l’accumulation des nuées ou la figuration des éclairs inquiètent autant que l’indifférence apparente des vagues qui se pavanent tandis que des naufragés tentent en vain de s’en sortir, dans la scène de naufrage de Lacroix de Marseille. 
Cette cruelle beauté des vagues est une autre forme du sublime qui déborde de l’imagination.

Au XIXème et davantage au XXème siècle, la peinture marine évolue du plus fantaisiste mouillage naturel au plus exact portrait de port, la ville faisant contrepoint à la mer et aux rivages presque sauvages et tranquilles. 
Les artistes abordent le spectacle de la mer comme prétexte d’innombrables variations sur le thème de l’eau, fascinés par cette beauté sauvage et douce à la fois transcendant le simple paysage. Travaillant en plein air, ils traduisent la nature avec réalisme, témoignent de la beauté et de la diversité de ce territoire méditerranéen, chacun expérimentant sa pratique picturale – académique, impressionniste ou post-symboliste, fauviste ou cubiste. Les marines provençales, de Martigues à Toulon en passant par Marseille, illustrent ces rives accueillantes encore préservées de l’émancipation des cités et dégagent une poésie, de la plage à Martigues de Manago ou des calanques d’Emmanuel Coulange Lautrec et de Raphaël Ponson.

La révolution industrielle creuse davantage l’écart entre le port marchand et de pêche, et contribue à spécialiser les professions et à développer le balisage et l’assistance aux navires, par le remorquage. Les nouveaux ports évoquent le commerce, implique la prospérité et les échanges et abritent des navires, des paquebots et voiliers plus importants aux côtés des barques – symboles du siècle précédent. Le port de la Joliette de Joseph Garibaldi ou d’Eugène de Barberis, le bateau blanc dans le Vieux-Port de Louis Nattero ou l’entrée du canal de Venise de Henri Malfroy saisissent cette transformation radicale, plongeant dans l’activité débordante des docks et ports où se mêlent les bateaux, la foule interlope, restituant cette effervescence du siècle passé aux teintes méditerranéennes.

La peinture du XXème siècle éclaircit sa palette, joue avec les subtilités de la lumière et des tonalités audacieuses, proches du mouvement fauve, et évoque la modernité et l’avant-gardisme. Les effets d’atmosphère se diluent en brumes irisées avec les néo-impressionnistes. Les Fauves exaltent ou suggèrent le bleu de la mer par les accents jaunes des voiles, les mâts rouges, les drapeaux tricolores. Le paysage fauve d’André Lhote, la calanque de Figuerolles à La Ciotat d’Emile-Othon Friesz ou le cap Canaille de Cassis de Pierre Ambrogiani, sont l’illustration de cette période faste en couleurs et moderne.

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