La station sanitaire

La station sanitaire

Quand, sous la direction du docteur Montus, les architectes A. Champollion, R. Egger et F. Pouillon édifient le bâtiment prophylactique de la Station Sanitaire, ils sont sans doute en train de négocier le déplacement des bureaux construits avant-guerre en contre bas de Saint Laurent et dont la proximité n’est pas sans poser des problèmes pour la desserte de l’opération de la Tourette.

Légende : Vue de la station depuis le quai de la Tourette

La Station Sanitaire Maritime de Marseille est avant tout une machine, moins à guérir qu’à diagnostiquer les éventuels cas suspects risquant d’être à l’origine d’une épidémie. On est en 1945, dans un nouvel univers médical: celui des vaccins, des antibiotiques et du dichlorodiphényltrichloroéthane autrement dit DDT puissant insecticide aujourd’hui interdit d’usage en Europe. Il en ressort une conception de circuits fonctionnels très différenciés dont la résolution passionnera les architectes.

C’est bien une machine de contrôle sanitaire qui est en place ; douches et chambre à gaz devaient faire de sinistres échos en 1948, pourtant les promoteurs insistent sur le souci d’éviter aux usagers toute impression de brimade ou d’humiliation. C’est sans doute ici que les architectes ont le mieux réussi dans la transformation de la machinerie en un espace d’hospitalité, d’accueil, ménageant un certain confort, proche du style paquebot où l’ambiance l’emporte sur la seule technique.

En 1951, l’OMS produit un Règlement Sanitaire International qui décrit les cinq maladies sous surveillance internationale : peste, choléra, variole, fièvres jaunes et typhus. Le contrôle sera essentiellement administratif avec la vérification des carnets de vaccinations.

Par ailleurs, les contrôles de santé étaient plutôt prévus pour des passagers d’extrême orient venant plutôt d’Indochine, la fin de la guerre en 1954 marque aussi la fin de l’immigration vietnamienne.

De fait la Station Sanitaire, qui se voulait un prototype aura très peu servi. A l’exception d’une alerte au début des années soixante-dix, rien ne troublera le tableau épidémiologique marseillais. Elle n’a pas été utilisée par des groupes et se révèlera manquer de souplesse pour un fonctionnement individuel. Son rôle restera limité à la désinsectisation de personnes vivant des conditions insalubres ; la chambre à gaz recevra surtout les matelas de collectivités locales. En attendant une situation d’épidémie qui aurait justifié son fonctionnement, elle sera entretenue jusqu’en 1970, date à laquelle le réseau des canalisations ne sera plus réparé. Tout cela fait que la Station Sanitaire ne sera pas ou très peu utilisée : d’où l’état exceptionnel des étuves et autres éléments de serrurerie qui ne portent pas le moindre point de rouille.

Retour sur l’histoire de Marseille et la peste

Marseille, dont les richesses venaient de la mer, a toujours essayé de lutter contre les calamités publiques qui souvent les accompagnent. Elle connaîtra quatorze épidémies au XVIème siècle ; on installera un premier Lazaret à l’anse de l’Ourse, puis aux infirmeries des Catalans ; des intendants furent créés avec un bureau de la santé. D’abord logé dans la tour du roi René, en 1715 on construit la consigne sanitaire en bordure de quai à l’aplomb de l’eau (elle y est encore).

Scène de la peste de 1720 à la Tourette par Michel Serre

Légende : Scène de la peste de 1720 à la Tourette par Michel Serre

Elle n’empêche pas la grande peste de 1740 portée dans ses cales par le grand saint Antoine.

Un port de quarantaine fut installé sur l’île de Pomègues. Devenu trop petit, en 1828 on relie les deux îles de Pomègues et de Ratonneau pour créer le port du Frioul et construire des bâtiments d’accueil et de traitement, l’hôpital Caroline. Le bureau de la santé sera transformé en véritable musée où l’on pouvait admirer la peste à Milan de Pierre Puget et la peste à bord de la frégate Melpomène d’Horace Vernet. En 1830, Stendhal le décrira comme «le plus joli bâtiment de Marseille».

Au XIXème siècle, les services sanitaires sont transportés au Frioul. Malgré les progrès des recherches sur les maladies tropicales, la peste menace encore la ville en 1903 puis en 1920, en 1945 elle est à Oran, inspirant le roman d’Albert Camus. Entre les deux guerres, un bâtiment pour administration de la santé avait été construit sur les pentes Nord-Ouest de l’église Saint Laurent.